Dossiers d'information
  NICE 2001 Intervention
Journée Européenne de l'Hépatite C – NICE (Fr) 17.03.2001
Intervention du G.A.I.P.H. asbl (Belgique)
1. Informer la population ...
2. Prévention en Belgique ?
3. Prise en charge médicale.
4. Prise en charge sociale.
5. Conclusion.


Bonjour à tous.

Nous sommes très heureux d'être présents à cette Journée Européenne de l'Hépatite C et remercions Madame Boulanger pour cette formidable initiative.
Nous espérons que ce congrès débouchera sur une action unilatérale et concrète des associations européennes pour améliorer la prise en charge médicale et sociale des personnes atteintes de VHC.
Je tiens également à remercier le Dr Kahaleh qui a bien voulu nous accompagner malgré un emploi du temps des plus chargés et la simultanéité de cette journée avec un congrès international sur la transplantation hépatique !
Notre association s'emploie principalement à apporter à qui le demande une information complète, adaptée à chaque besoin et compréhensible, sur les différentes hépatites virales. Une autre tâche plus complexe est de faire en sorte d'améliorer différents aspects dans la problématique du VHC, qui présente des lacunes graves dans notre pays.
J'espère que nous rentrerons en Belgique en ayant des exemples concrets à montrer à notre gouvernement. Nous essayons également d'apporter aux patients une aide morale car un trop grand nombre d'entre eux abandonnent encore le traitement en cours de route par manque d'encadrement et de soutien psychologique.

1. Informer la population sur la problématique du VHC
L'absence totale d'informations, lorsque j'ai été moi-même dépisté en 1997, nous a poussés, mon épouse et moi-même, à créer cette association afin de permettre à chacun de disposer d'une information complète et crédible sur les différents aspects de l'hépatite C : historique ; évolution de la maladie ; traitements ; effets secondaires ; aliments, boissons et médicaments hépatogènes ; comment lire le protocole d'un examen sanguin ? comprendre les termes médicaux employés dans le cadre du VHC, etc.…Il y avait là une lacune importante à combler.
Il est clair qu'une grande majorité de notre population ignore les tenants et les aboutissants de cette maladie et chacun sait que c'est l'ignorance qui engendre la crainte puis l'exclusion sociale. Un des points importants de notre manifeste concerne justement l'exclusion sociale, professionnelle et même médicale dont certains malades font l'objet.
Il y a encore beaucoup trop de personnes travaillant dans le monde médical ou paramédical qui sont ignorants de bien de choses relatives au VHC et qui commettent des erreurs graves par cette ignorance .
Il y a quelques jours à peine, nous recevions le témoignage d'une dame qui a été dépistée lors des examens préliminaires à son accouchement: une infirmière de la maternité n'a pas hésité à en faire état aux autres patientes et sans aucune discrétion de son portage du VHC. De plus, cette infirmière lui a dit tout net qu'il ne fallait pas faire d'enfant quand on était toxicomane. La patiente, qui n'est évidemment pas toxicomane, a porté plainte auprès du chef d'établissement et l'infirmière en question a reçu un blâme. On ne devrait plus assister, de nos jours, à ce genre de discrimination digne de l'obscurantisme moyen-âgeux.
Le personnel médical se retranche souvent derrière la notion de secret professionnel mais, dès qu'il s'agit d'hépatite C, certains s'octroient le droit de traiter ces patients comme des pestiférés. On retrouve cette attitude chez certaines infirmières (une minorité, heureusement) et surtout dans la médecine du travail où nous avons entendus des témoignages de situations proprement scandaleuses !
Certaines attitudes ou décisions arbitraires devraient être punissables car ces gens ont le pouvoir de détruire des carrières professionnelles et de briser la vie de ces personnes qui ont déjà leur propre souffrance à supporter.
D'autre part, il est regrettable que tant de médecins généralistes soient encore si ignorants au sujet des hépatites chroniques.
Combien de fois avons-nous entendu ce type de langage auprès des généralistes :
" Il ne sert à rien de se rendre malade avec ces médicaments alors que l'hépatite C n'est pas grave et qu'elle évolue si lentement qu'il est préférable d'attendre une nouvelle thérapie plus efficace. "
C'est exactement ce qu'a dit un généraliste à un de nos membres qui, après avoir écouté notre conseil, a subi une batterie de test et dont la biopsie a révélé un score A3F3 à 45 ans !
S'il s'agit d'un manque de connaissances, ils n'ont qu'à se mettre à niveau, autrement, j'appelle cela une faute professionnelle !
L'année dernière, nous avons organisé des conférences dans 7 grands hôpitaux belges. Le public était au rendez-vous, ce qui montre le besoin d'informations. Par contre, nous avons eu toutes les difficultés à rabattre quelques journalistes de la presse écrite .
Ce n'est qu'à une seule occasion que la RTBF (la chaîne publique de télévision francophone) a daigné envoyer une équipe de reportage. Occasion résumée à une courte entrevue avec le professeur Adler de l'Université Libre de Bruxelles et diffusée au Journal Télévisé entre la poire et le fromage !
Tout cela prouve bien que les responsables de la presse écrite comme télévisée soient encore loin d'être sensibilisés par ce problème.

2. Absence totale de prévention en Belgique

En un an, 25.000 dépliants d'information et de prévention ont été distribués par notre association dans les pharmacies, les salles d'attente des généralistes qui ont bien voulu accepter ainsi que celles des services de gastro-entérologie.

Outre les actions de prévention que nous pouvons mener en tant qu'association et qui ne représentent encore qu'une goutte d'eau dans l'océan, nous sommes depuis de longs mois en contact avec les instances politiques concernées.

Il y en existe suffisament sur ce petit pays qu'est la Belgique pour que des campagnes de prévention puissent voir le jour; campagnes dirigées vers le grand public d'une part, mais aussi vers les étudiants à partir du second degré (soit à partir de 12 ans), les entreprises, les maisons de soins au sens le plus large du terme, ainsi que les collectivités, etc...

Certaines dont Good Year Belgium nous ont demandés de l'information de leur propre initiative, preuve qu'il existe un réel besoin.

Même si nous avions de gros budgets, nous n'aurions aucune chance, sans passer par l'intermédiaire des Communautés française, néerlandophone et germanophone, d'obtenir les autorisations et la crédibilité nécessaire pour mener à bien ces campagnes de prévention. C'est un frein non négligeable à l'information dans notre pays.

Nous suivons de très près ces dossiers et heureusement, nous recevons un accueil assez favorable de la part des ministres. Si ce n'est, malheureusement, notre Ministre de la Santé Publique du gouvernement fédéral qui ne semble pas se montrer aussi concernée que ces collègues des Affaires Sociales ou du Travail, au point de n'avoir même pas répondu à nos courriers.

3. Prise en charge médicale
Un des points importants de notre manifeste concerne l'aide que l'on pourrait apporter aux malades de l'hépatite C à différents niveaux. Sur le plan médical, on ne peut pas blâmer les gastro-entérologues qui font, pour la plupart, un excellent travail avec les outils thérapeutiques dont ils disposent.
Par contre, il serait souhaitable que l'on prenne davantage en considération les effets secondaires de la bi-thérapie IFN-RIBAVIRINE et même au-delà du traitement car de nombreux patients se plaignent d'effets secondaires bien après la fin du traitement, même lorsqu'il a réussi. Je reviendrai sur cette question un peu plus tard.
Le patient devrait pouvoir profiter d'une large coopération entre le gastro-entérologue et son médecin traitant. Nous pensons surtout à l'aspect psychologique, puisque l'Interféron a un effet dépresseur non négligeable, ainsi qu'au contrôle de la douleur.
Ces effets secondaires amènent encore trop de patients à interrompre le traitement parce-qu'ils ne peuvent plus, parfois, mener leur vie normalement, se déplacer à la pharmacie, à l'hôpital, faire leurs courses, etc.… Ils n'ont souvent pas le courage ou même l'idée de consulter d'eux-mêmes le médecin qui pourrait les aider.
C'est pourquoi nous pensons qu'il serait utile qu'il y ait une bonne collaboration entre le spécialiste et son généraliste pour que le patient se sente soutenu et puisse s'exprimer et trouver une oreille qui l'écoute et trouver ensuite une réponse thérapeutique en cas de problème.
L'hépatite C touche toutes les couches sociales mais l'accès aux soins reste prohibitif dans le cas, par exemple, des malades socialement défavorisés et trop vite considérés comme offrant une mauvaise compliance au traitement (et je ne parle pas ici des alcooliques ou des toxicomanes refusant un sevrage).
La semaine dernière, nous entendions encore le témoignage d'une dame dont le mari est atteint d'une hépatite C et dont le médecin traitant a dit qu'il ne souhaitait pas traiter ce type de mal ade pour assurer la sécurité de ses autres patients.
Par ailleurs, les malades ressentent le manque d'espace d'écoute. Le besoin de rencontrer des personnes vivant les mêmes situations est très présent et, dans ce sens, nous organiserons tout au long de cette année des groupes de parole entre patients, famille de patients, proches, etc.… et ce, dans un maximum de villes francophones du pays.
Bref, il y a beaucoup de choses à faire mais comme la plupart dépendent de décisions politiques, nous ne pouvons qu'être persévérants et nous armer de patience. Nos dossiers sont dans les mains des différents ministres concernés et nous avons déjà reçu des échos favorables mais cela ne présume en aucun cas d'une décision rapide et surtout positive.
Nous regrettons également que les hépatites C aiguës ne donnent pas droit au remboursement de l'IFN. Une partie des gastro-entérologues estiment que c'est dommageable dans la mesure ou un traitement au moment de l'épisode aigu de la maladie donne de meilleures chances d'éradication définitive du virus (on parle de 75%). Une autre partie estiment que la lourdeur du traitement ne se justifie pas en cas d'épisode aigu de la maladie…
Je voudrais faire ici une petite parenthèse pour parler de cette contradiction que nous avons relevée dans le dernier Consensus Européen quant à savoir à quel moment il faut traiter et à quel moment il ne faut pas. D'une part, il est dit que plus la maladie est traitée précocement, plus grandes sont les chances de guérison. D'autre part, ce Consensus s'accorde à dire qu'il vaut mieux ne pas traiter tant qu'il n'y a pas de fibrose hépatique, compte tenu des effets secondaires de l'association Interféron-Ribavirine.
Cela reflète sans aucun doute deux prises de position diamétralement opposée chez les spécialistes et on ne peut les en blâmer. Le danger, avec ce type de déclarations, est qu'on se retrouve dans une situation où les patients qui ont la chance d'être dépistés lors de l'épisode aigu de l'hépatite C n'ont pas droit au remboursement du traitement. Leur seule chance est alors de tenter de se faire inclure dans une étude clinique de la BASL pour ne pas avoir à supporter les frais du traitement. Il est clair que l'INAMI suivra toujours les avis qui lui occasionnent le moins de dépenses possibles.
En Belgique, la Ribavirine n'est toujours pas remboursée par la sécurité sociale. De ce fait, des firmes pharmaceutiques, qui jusqu'à présent approvisionnent " gratuitement " les hôpitaux en Ribavirine, avaient permis, grâce à leur parrainage, la création d'initiatives telles que le "Forum Hépatite C" à Bruxelles.
A l'annonce du refus de notre Ministre de la Santé Publique d'accepter le remboursement de la RIBAVIRINE, ces firmes, dégoûtées par la situation je présume, ont retirés leurs billes de ces projets et ce "Forum Hépatite C" est mort dans l'œuf. Or, c'était le premier forum réunissant tous les acteurs du VHC: la BASL + différents gastro-entérologues, la SSMG, des représentants des pharmaciens, la recherche, et les deux associations de patients dont il ne reste malheureusement plus que la nôtre.
Nous attendions beaucoup de ce forum qui a été trop tôt terrassé par une crise de belgitude aiguë.

4. Prise en charge sociale

Du point de vue social, rien n'est fait en Belgique. Nous avons pu remarquer que les Centres Publics d'Aide Sociale évoluent tous à leur manière dans le cadre légal de leurs responsabilités. La manière dont les aides sont accordées ou organisées est très différente d'une ville à l'autre.

En conséquence, une aide sociale orientée pour les malades atteints de VHC devra faire l'objet, elle aussi, d'une décision politique très précise dans ses termes pour que ces patients puissent espérer bénéficier d'une aide réellement utile de la part des CPAS.

En ce qui concerne la reconnaissance du caractère invalidant de l'hépatite C, il y a encore trop de disparité dans les décisions face à des cas pourtant similaires. Certains patients sont reconnus inaptes au travail et perçoivent des indemnités de maladies pendant plusieurs années alors que d'autres, parfois plus mal en point, doivent rester au travail bien qu'ils soient encore loin d'en être capables.

Nous remarquons qu'il y a encore trop de disparité dans le remboursement des soins de santé, l'accès à une aide familiale, ainsi que la reprise du travail dans des conditions de santé décentes.

D'autre part, il n'y a pas encore de reconnaissance de l'hépatite C comme maladie professionnelle alors que de nombreuses infirmières ont été contaminées accidentellement dans l'exercice de leur profession. Il y a des problèmes de confidentialité avec la médecine du travail, trop d'exclusions arbitraires de certaines couvertures d'assurance alors que la relative jeunesse de cette maladie n'a pas permis aux compagnies d'assurance de disposer de tables de mortalité probantes dans ce domaine.

Pour vous donner un autre exemple des dérapages en matière de prise en charge sociale, je citerai le témoignage d'une dame qui nous demandait en larmes ce qu'elle pouvait faire dans sa situation : cette dame, mère célibataire, travaillait et élevait ses enfants sans problèmes majeurs. Atteinte d'un VHC, elle a entamé une bi-thérapie qu'elle a mal supporté et elle s'est retrouvée en arrêt de travail.

Elle n'aurait pas pu reprendre le travail avant la fin de son traitement. Après six mois de maladie, elle a été licenciée. Ensuite, après la fin de son traitement, elle a continué comme beaucoup d'autres patients à souffrir d'asthénie et d'autres symptômes assez invalidants.

Pourtant, ces examens sanguins ont montré une disparition de l'ARN viral après 2 mois de traitement et, en fin de traitement et bien après, ses transaminases affichaient des valeurs normales. Par conséquent, l'INAMI l'a remise au travail. Malheureusement, par deux fois elle a trouvé du travail mais s'est vue licenciée en période d'essai pour manque de dynamisme.

Résultat des courses, cette dame a été exclue du chômage pour raison de santé. Or, sa mutuelle n'a pas voulu la reprendre en charge puisque son hépatite était guérie. Finalement, elle se retrouve à la CPAS avec comme seule rentrée une aide financière très limitée qui permet essentiellement de ne pas mourir de faim.

En résumé, je dirai que la prise en charge sociale est quasi inexistante et lorsqu'elle daigne se mettre en route, c'est dans l'injustice et une ignorance totale des réalités de cette maladie. Je voudrais signaler également qu'il est grand temps que la médecine reconnaisse l'asthénie comme une pathologie et qu'elle accepte la réalité de la persistance de certains symptômes de l'hépatite C au-delà du traitement, surtout lorsque celui-ci est considéré comme réussi.

Au regard de la somme des témoignages recueillis depuis 18 mois, nous ne pouvons qu'admettre le fait que la disparition de l'ARN viral et un retour à la normale des transaminases ne soient pas le gage d'une récupération des facultés physiques et psychiques dont le patient jouissait avant les premiers symptômes de son portage chronique du VHC.

En réalité, la disparition de l'ARN viral dans le sang ne résout pas tous les problèmes du patient et ne devrait pas être considérée comme une guérison totale que les mutuelles s'empressent aussitôt de fournir comme raison d'une remise au travail immédiate. La manière de supporter la maladie, puis le traitement et enfin l'après traitement est trop différente d'un patient à l'autre pour que l'on puisse légiférer de manière aussi simpliste le droit à une indemnité de maladie ou le moment de la remise au travail. Ceci est peut-être le point le plus important dans le message que je voudrais faire passer aujourd'hui.

C'est d'ailleurs à cause du même genre d'obscurantisme que j'ai été soigné pendant six ans pour dépression nerveuse sans aucun résultat, alors qu'il s'agissait uniquement des symptômes d'une hépatite C chronique.

5. Conclusion
Pour terminer sur une note d'espoir, je voudrais vous entretenir succinctement des derniers progrès du vaccin anti-VHC "E1", développé par Innogenetics à Bruxelles. Ils en sont actuellement à la phase 2 qui prévoit l'inoculation du vaccin à 30 personnes atteintes d'un portage chronique du VHC.
D'après M. Vandessel d'Innogenetics, les résultats des études sur les chimpanzés ont tous étés concluants et, dès le début de l'année prochaine, ils devraient entamer la phase 3 qui prévoit d'inclure 1000 personnes à l'étude pour que les résultats puissent être probants.
Si tout se passe bien, nous devrions voir le vaccin sur le marché vers 2005, 2006.

  Je vous remercie de votre attention.