Nous sommes très heureux d'être présents
à cette Journée Européenne de l'Hépatite
C et remercions Madame Boulanger pour cette formidable initiative.
Nous espérons que ce congrès débouchera
sur une action unilatérale et concrète des associations
européennes pour améliorer la prise en charge médicale
et sociale des personnes atteintes de VHC.
Je tiens également à remercier le
Dr Kahaleh qui a bien voulu nous accompagner malgré un
emploi du temps des plus chargés et la simultanéité
de cette journée avec un congrès international sur la
transplantation hépatique !
Notre association s'emploie principalement à
apporter à qui le demande une information complète, adaptée
à chaque besoin et compréhensible, sur les différentes
hépatites virales. Une autre tâche plus complexe est de
faire en sorte d'améliorer différents aspects dans la
problématique du VHC, qui présente des lacunes graves
dans notre pays.
J'espère que nous rentrerons en Belgique
en ayant des exemples concrets à montrer à notre gouvernement.
Nous essayons également d'apporter aux patients une aide morale
car un trop grand nombre d'entre eux abandonnent encore le traitement
en cours de route par manque d'encadrement et de soutien psychologique.
1. Informer la population sur la problématique
du VHC
L'absence totale d'informations, lorsque j'ai
été moi-même dépisté en 1997, nous
a poussés, mon épouse et moi-même, à créer
cette association afin de permettre à chacun de disposer d'une
information complète et crédible sur les différents
aspects de l'hépatite C : historique ; évolution de la
maladie ; traitements ; effets secondaires ; aliments, boissons et médicaments
hépatogènes ; comment lire le protocole d'un examen sanguin
? comprendre les termes médicaux employés dans le cadre
du VHC, etc. Il y avait là une lacune importante à
combler.
Il est clair qu'une grande majorité de notre population ignore
les tenants et les aboutissants de cette maladie et chacun sait que
c'est l'ignorance qui engendre la crainte puis l'exclusion sociale.
Un des points importants de notre manifeste concerne justement l'exclusion
sociale, professionnelle et même médicale dont certains
malades font l'objet.
Il y a encore beaucoup trop de personnes travaillant dans le monde
médical ou paramédical qui sont ignorants de bien de choses
relatives au VHC et qui commettent des erreurs graves par cette ignorance
.
Il y a quelques jours à peine, nous recevions le témoignage
d'une dame qui a été dépistée lors des examens
préliminaires à son accouchement: une infirmière
de la maternité n'a pas hésité à en faire
état aux autres patientes et sans aucune discrétion de
son portage du VHC. De plus, cette infirmière lui a dit tout
net qu'il ne fallait pas faire d'enfant quand on était toxicomane.
La patiente, qui n'est évidemment pas toxicomane, a porté
plainte auprès du chef d'établissement et l'infirmière
en question a reçu un blâme. On ne devrait plus assister,
de nos jours, à ce genre de discrimination digne de l'obscurantisme
moyen-âgeux.
Le personnel médical se retranche souvent derrière la
notion de secret professionnel mais, dès qu'il s'agit d'hépatite
C, certains s'octroient le droit de traiter ces patients comme des pestiférés.
On retrouve cette attitude chez certaines infirmières (une minorité,
heureusement) et surtout dans la médecine du travail où
nous avons entendus des témoignages de situations proprement
scandaleuses !
Certaines attitudes ou décisions arbitraires devraient être
punissables car ces gens ont le pouvoir de détruire des carrières
professionnelles et de briser la vie de ces personnes qui ont déjà
leur propre souffrance à supporter.
D'autre part, il est regrettable que tant de médecins généralistes
soient encore si ignorants au sujet des hépatites chroniques.
Combien de fois avons-nous entendu ce type de langage auprès
des généralistes :
" Il ne sert à rien de se rendre malade avec ces médicaments
alors que l'hépatite C n'est pas grave et qu'elle évolue
si lentement qu'il est préférable d'attendre une nouvelle
thérapie plus efficace. "
C'est exactement ce qu'a dit un généraliste à
un de nos membres qui, après avoir écouté notre
conseil, a subi une batterie de test et dont la biopsie a révélé
un score A3F3 à 45 ans !
S'il s'agit d'un manque de connaissances, ils n'ont qu'à se
mettre à niveau, autrement, j'appelle cela une faute professionnelle
!
L'année dernière, nous avons organisé des conférences
dans 7 grands hôpitaux belges. Le public était au rendez-vous,
ce qui montre le besoin d'informations. Par contre, nous avons eu toutes
les difficultés à rabattre quelques journalistes de la
presse écrite .
Ce n'est qu'à une seule occasion que la RTBF (la chaîne
publique de télévision francophone) a daigné envoyer
une équipe de reportage. Occasion résumée à
une courte entrevue avec le professeur Adler de l'Université
Libre de Bruxelles et diffusée au Journal Télévisé
entre la poire et le fromage !
Tout cela prouve bien que les responsables de la presse écrite
comme télévisée soient encore loin d'être
sensibilisés par ce problème.
2. Absence totale de prévention en Belgique
En
un an, 25.000 dépliants d'information et de prévention
ont été distribués par notre association dans les
pharmacies, les salles d'attente des généralistes qui
ont bien voulu accepter ainsi que celles des services de gastro-entérologie.
Outre les actions de prévention
que nous pouvons mener en tant qu'association et qui ne représentent
encore qu'une goutte d'eau dans l'océan, nous sommes depuis de
longs mois en contact avec les instances politiques concernées.
Il y en existe suffisament
sur ce petit pays qu'est la Belgique pour que des campagnes de prévention
puissent voir le jour; campagnes dirigées vers le grand public
d'une part, mais aussi vers les étudiants à partir du
second degré (soit à partir de 12 ans), les entreprises,
les maisons de soins au sens le plus large du terme, ainsi que les collectivités,
etc...
Certaines dont Good Year
Belgium nous ont demandés de l'information de leur propre
initiative, preuve qu'il existe un réel besoin.
Même si nous avions
de gros budgets, nous n'aurions aucune chance, sans passer par l'intermédiaire
des Communautés française, néerlandophone et germanophone,
d'obtenir les autorisations et la crédibilité nécessaire
pour mener à bien ces campagnes de prévention. C'est un
frein non négligeable à l'information dans notre pays.
Nous suivons de très
près ces dossiers et heureusement, nous recevons un accueil assez
favorable de la part des ministres. Si ce n'est, malheureusement, notre
Ministre de la Santé Publique du gouvernement fédéral
qui ne semble pas se montrer aussi concernée que ces collègues
des Affaires Sociales ou du Travail, au point de n'avoir même
pas répondu à nos courriers.
3. Prise en charge médicale
Un des points importants de notre manifeste
concerne l'aide que l'on pourrait apporter aux malades de l'hépatite
C à différents niveaux. Sur le plan médical, on
ne peut pas blâmer les gastro-entérologues qui font, pour
la plupart, un excellent travail avec les outils thérapeutiques
dont ils disposent.
Par contre, il serait souhaitable que l'on prenne davantage en considération
les effets secondaires de la bi-thérapie IFN-RIBAVIRINE
et même au-delà du traitement car de nombreux patients
se plaignent d'effets secondaires bien après la fin du traitement,
même lorsqu'il a réussi. Je reviendrai sur cette question
un peu plus tard.
Le patient devrait pouvoir profiter d'une large coopération
entre le gastro-entérologue et son médecin traitant. Nous
pensons surtout à l'aspect psychologique, puisque l'Interféron
a un effet dépresseur non négligeable, ainsi qu'au contrôle
de la douleur.
Ces effets secondaires amènent encore trop de patients à
interrompre le traitement parce-qu'ils ne peuvent plus, parfois, mener
leur vie normalement, se déplacer à la pharmacie, à
l'hôpital, faire leurs courses, etc. Ils n'ont souvent pas
le courage ou même l'idée de consulter d'eux-mêmes
le médecin qui pourrait les aider.
C'est pourquoi nous pensons qu'il serait utile qu'il y ait une bonne
collaboration entre le spécialiste et son généraliste
pour que le patient se sente soutenu et puisse s'exprimer et trouver
une oreille qui l'écoute et trouver ensuite une réponse
thérapeutique en cas de problème.
L'hépatite C touche toutes les couches sociales mais l'accès
aux soins reste prohibitif dans le cas, par exemple, des malades socialement
défavorisés et trop vite considérés comme
offrant une mauvaise compliance au traitement (et je ne parle pas ici
des alcooliques ou des toxicomanes refusant un sevrage).
La semaine dernière, nous entendions encore le témoignage
d'une dame dont le mari est atteint d'une hépatite C et dont
le médecin traitant a dit qu'il ne souhaitait pas traiter ce
type de mal ade pour assurer la sécurité de ses autres
patients.
Par ailleurs, les malades ressentent le manque d'espace d'écoute.
Le besoin de rencontrer des personnes vivant les mêmes situations
est très présent et, dans ce sens, nous organiserons tout
au long de cette année des groupes de parole entre patients,
famille de patients, proches, etc. et ce, dans un maximum de villes
francophones du pays.
Bref, il y a beaucoup de choses à faire mais comme la plupart
dépendent de décisions politiques, nous ne pouvons qu'être
persévérants et nous armer de patience. Nos dossiers sont
dans les mains des différents ministres concernés et nous
avons déjà reçu des échos favorables mais
cela ne présume en aucun cas d'une décision rapide et
surtout positive.
Nous regrettons également que les hépatites C aiguës
ne donnent pas droit au remboursement de l'IFN. Une partie des gastro-entérologues
estiment que c'est dommageable dans la mesure ou un traitement au moment
de l'épisode aigu de la maladie donne de meilleures chances d'éradication
définitive du virus (on parle de 75%). Une autre partie estiment
que la lourdeur du traitement ne se justifie pas en cas d'épisode
aigu de la maladie
Je voudrais faire ici une petite parenthèse pour parler de cette
contradiction que nous avons relevée dans le dernier Consensus
Européen quant à savoir à quel moment il faut traiter
et à quel moment il ne faut pas. D'une part, il est dit que plus
la maladie est traitée précocement, plus grandes sont
les chances de guérison. D'autre part, ce Consensus s'accorde
à dire qu'il vaut mieux ne pas traiter tant qu'il n'y a pas de
fibrose hépatique, compte tenu des effets secondaires de l'association
Interféron-Ribavirine.
Cela reflète sans aucun doute deux prises de position diamétralement
opposée chez les spécialistes et on ne peut les en blâmer.
Le danger, avec ce type de déclarations, est qu'on se retrouve
dans une situation où les patients qui ont la chance d'être
dépistés lors de l'épisode aigu de l'hépatite
C n'ont pas droit au remboursement du traitement. Leur seule chance
est alors de tenter de se faire inclure dans une étude clinique
de la BASL pour ne pas avoir à supporter les frais du traitement.
Il est clair que l'INAMI suivra toujours les avis qui lui occasionnent
le moins de dépenses possibles.
En Belgique, la Ribavirine n'est toujours pas remboursée par
la sécurité sociale. De ce fait, des firmes pharmaceutiques,
qui jusqu'à présent approvisionnent " gratuitement " les
hôpitaux en Ribavirine, avaient permis, grâce à leur
parrainage, la création d'initiatives telles que le "Forum Hépatite
C" à Bruxelles.
A l'annonce du refus de notre Ministre de la Santé Publique
d'accepter le remboursement de la RIBAVIRINE, ces firmes, dégoûtées
par la situation je présume, ont retirés leurs billes
de ces projets et ce "Forum Hépatite C" est mort dans l'uf.
Or, c'était le premier forum réunissant tous les acteurs
du VHC: la BASL + différents gastro-entérologues, la SSMG,
des représentants des pharmaciens, la recherche, et les deux
associations de patients dont il ne reste malheureusement plus que la
nôtre.
Nous attendions beaucoup de ce forum qui a été trop tôt
terrassé par une crise de belgitude aiguë.
4. Prise en charge sociale
Du point de vue social, rien n'est fait en
Belgique. Nous avons pu remarquer que les Centres Publics d'Aide Sociale
évoluent tous à leur manière dans le cadre légal
de leurs responsabilités. La manière dont les aides sont
accordées ou organisées est très différente
d'une ville à l'autre.
En conséquence, une aide sociale orientée
pour les malades atteints de VHC devra faire l'objet, elle aussi, d'une
décision politique très précise dans ses termes
pour que ces patients puissent espérer bénéficier
d'une aide réellement utile de la part des CPAS.
En ce qui concerne la reconnaissance du caractère
invalidant de l'hépatite C, il y a encore trop de disparité
dans les décisions face à des cas pourtant similaires.
Certains patients sont reconnus inaptes au travail et perçoivent
des indemnités de maladies pendant plusieurs années alors
que d'autres, parfois plus mal en point, doivent rester au travail bien
qu'ils soient encore loin d'en être capables.
Nous remarquons qu'il y a encore trop de disparité
dans le remboursement des soins de santé, l'accès à
une aide familiale, ainsi que la reprise du travail dans des conditions
de santé décentes.
D'autre part, il n'y a pas encore de reconnaissance
de l'hépatite C comme maladie professionnelle alors que de nombreuses
infirmières ont été contaminées accidentellement
dans l'exercice de leur profession. Il y a des problèmes de confidentialité
avec la médecine du travail, trop d'exclusions arbitraires de
certaines couvertures d'assurance alors que la relative jeunesse de
cette maladie n'a pas permis aux compagnies d'assurance de disposer
de tables de mortalité probantes dans ce domaine.
Pour vous donner un autre exemple des dérapages
en matière de prise en charge sociale, je citerai le témoignage
d'une dame qui nous demandait en larmes ce qu'elle pouvait faire dans
sa situation : cette dame, mère célibataire, travaillait
et élevait ses enfants sans problèmes majeurs. Atteinte
d'un VHC, elle a entamé une bi-thérapie qu'elle a mal
supporté et elle s'est retrouvée en arrêt de travail.
Elle n'aurait pas pu reprendre le travail avant
la fin de son traitement. Après six mois de maladie, elle a été
licenciée. Ensuite, après la fin de son traitement, elle
a continué comme beaucoup d'autres patients à souffrir
d'asthénie et d'autres symptômes assez invalidants.
Pourtant, ces examens sanguins ont montré
une disparition de l'ARN viral après 2 mois de traitement et,
en fin de traitement et bien après, ses transaminases affichaient
des valeurs normales. Par conséquent, l'INAMI l'a remise au travail.
Malheureusement, par deux fois elle a trouvé du travail mais
s'est vue licenciée en période d'essai pour manque de
dynamisme.
Résultat des courses, cette dame a été
exclue du chômage pour raison de santé. Or, sa mutuelle
n'a pas voulu la reprendre en charge puisque son hépatite était
guérie. Finalement, elle se retrouve à la CPAS avec comme
seule rentrée une aide financière très limitée
qui permet essentiellement de ne pas mourir de faim.
En résumé, je dirai que la prise
en charge sociale est quasi inexistante et lorsqu'elle daigne se mettre
en route, c'est dans l'injustice et une ignorance totale des réalités
de cette maladie. Je voudrais signaler également qu'il est grand
temps que la médecine reconnaisse l'asthénie comme une
pathologie et qu'elle accepte la réalité de la persistance
de certains symptômes de l'hépatite C au-delà du
traitement, surtout lorsque celui-ci est considéré comme
réussi.
Au regard de la somme des témoignages
recueillis depuis 18 mois, nous ne pouvons qu'admettre le fait que la
disparition de l'ARN viral et un retour à la normale des transaminases
ne soient pas le gage d'une récupération des facultés
physiques et psychiques dont le patient jouissait avant les premiers
symptômes de son portage chronique du VHC.
En réalité, la disparition de l'ARN
viral dans le sang ne résout pas tous les problèmes du
patient et ne devrait pas être considérée comme
une guérison totale que les mutuelles s'empressent aussitôt
de fournir comme raison d'une remise au travail immédiate. La
manière de supporter la maladie, puis le traitement et enfin
l'après traitement est trop différente d'un patient à
l'autre pour que l'on puisse légiférer de manière
aussi simpliste le droit à une indemnité de maladie ou
le moment de la remise au travail. Ceci est peut-être le point
le plus important dans le message que je voudrais faire passer aujourd'hui.
C'est d'ailleurs à cause du même
genre d'obscurantisme que j'ai été soigné pendant
six ans pour dépression nerveuse sans aucun résultat,
alors qu'il s'agissait uniquement des symptômes d'une hépatite
C chronique.
5. Conclusion
Pour terminer sur une note d'espoir, je voudrais vous entretenir succinctement
des derniers progrès du vaccin anti-VHC "E1", développé
par Innogenetics à Bruxelles. Ils en sont actuellement à
la phase 2 qui prévoit l'inoculation du vaccin à 30 personnes
atteintes d'un portage chronique du VHC.
D'après M. Vandessel d'Innogenetics, les résultats
des études sur les chimpanzés ont tous étés
concluants et, dès le début de l'année prochaine,
ils devraient entamer la phase 3 qui prévoit d'inclure 1000 personnes
à l'étude pour que les résultats puissent être
probants.
Si tout se passe bien, nous devrions voir le vaccin sur le marché
vers 2005, 2006.